Lorsqu’il s’agit de lancer un produit de grande diffusion en GMS ou sur le net, la stratégie marketing de positionnement du produit est toujours le point central de la réflexion des dirigeants marketing. Si les canaux de lancement d’un produit ont évolué avec la donne digitale, de grands principes évoqués par le célèbre Jack Trout, marketeur et publiciste Américain des années 60 à 90 doivent continuer de nous inspirer. L’un d’eux, raconté dans son Positionning Book (1981), reste d’une grande actualité et doit continuer de nous guider.
Quelle stratégie marketing pour lancer une marque de Vodka ?
Il est proposé à Jack Trout, associé dans une agence de publicité majeure aux Etats-Unis, de lancer sur le marché américain la marque de vodka n°1 sur le marché russe, la vodka Kremlyovskaya. Jack bute sur le nom de marque du produit qu’il trouve vraiment compliqué, jugeant qu’un Américain moyen ne sera pas en mesure de mémoriser ou de prononcer un nom pareil. Jack propose un nouveau nom de marque, pensant qu’un rebranding est nécessaire : « Red Square Vodka », punchy et attirant pour un acheteur Américain. C’est que Jack Trout a du flair… Mais les responsables russes de la marque, fiers de leur produit et des origines de celle-ci (on peut les comprendre !), refusent de modifier son nom.
La vodka est ainsi lancée avec l’accroche « numéro 1 en Russie« . Rapidement, les débuts de Kremlyovskaya s’avèrent être un échec. Jack regrette que sa proposition de nouveau nom de marque n’ait pas été retenue… Le positionnement « origine » n’était pas celui qui convenait pour ce produit et ce marché.
Quelques temps après, il est proposé à Jack de faire le lancement d’une marque de pâtes n°1 en Italie, Barilla. Jack pense que le produit et son nom sont crédibles et faciles à accepter pour le consommateur local. Barilla est ainsi lancée comme la vodka avec la signature « n°1 en Italie« . Trois ans plus tard, Barilla est devenue numéro un des pâtes aux Etats-Unis.
Le naming du produit : la décision stratégique fondamentale de sa vie.
Jack Trout estime que le nom de marque des produits est un élément majeur dans la stratégie marketing, à tel point qu’il intitule l’un des chapitres de son livre » The most important marketing decision you can make is what to name the product« . Lorsque nous procédons au naming de notre marque, il nous faut considérer chaque paramètres de son ADN, et de son marché : origine, fabrication, histoire… ou penser à notre consommateur final, à son imaginaire, ses bénéfices, ou sa volonté de se positionner dans la société, ou de sauvegarder l’environnement. Tout est possible ! Ce qui importe avant tout n’est pas la notion dont nous sommes très fier à son sujet, mais bien la façon dont le public voudra s’emparer de la marque. Dans un linéaire, ou sur une page Google tout se joue dans les 3 ou 4 premières secondes. S’il n’est pas en mesure de le déchiffrer, de le répéter ou d’en ressentir les valeurs… il passera au produit suivant. Gardons toujours à l’esprit qu’au moindre barrage à l’entrée, l’acheteur se détourne pour le produit suivant, plus facile à appréhender.
Création du nom : un moment clé qu’il faut particulièrement soigner
La création du nom de marque, voire de l’entreprise est souvent vécue comme un moment clé, comme le choix du nom de son enfant. Le dirigeant souhaite s’en occuper en interne. Souvent, il compose une équipe-projet, qui va procéder à plusieurs brainstormings. Le nom sélectionné est déposé, mais… refusé à l’INPI (soit le nom n’est pas valable car l’INPI a durci ses critères depuis 2 ou 3 ans, soit un concurrent a fait opposition). Ils auraient pu confier la création du nom à un expert du naming. Mais soucieux de la rentabilité de sa BU, le dirigeant déclare « que l’on ne va quand même pas mettre un budget pour ça, on va le faire nous-même ». Trois mois plus tard, ils y sont encore, et le nom ne sera peut-être pas le plus performant.
Que va faire une agence de naming ?
On peut supposer que le Directeur Marketing ne va pas faire les prises de vues du produit lui-même (pourtant il vient de s’acheter un nouvel appareil photo). Il va faire appel à un photographe. De même, autant faire appel à un spécialiste du naming. Celui-ci va :
- Reformuler les différentes histoires que le produit va raconter sans le fardeau des années de conception, ou de l’historique de la marque (comme la vodka…)
- Ainsi proposer des créations basées sur l’origine du produit, certes, mais aussi sur ses autres promesses produit, ses aspérités uniques… Il prendra en compte l’impact, la désirabilité, la sonorité du nom…
- il saura associer des noms et des racines qui n’avaient pas été prises en compte par l’équipe marketing interne,
Enfin, il portera un soin particulier à vérifier ses propositions au niveau juridique.
Trouver un nom pour durer…
L’agence de naming regardera également le potentiel de durée du concept. Il y a des idées qui s’épuisent vite ou qui tournent en rond, et des concepts qui ont une capacité narrative étonnante. Il sait que la montée du digital s’accompagne d’une plus grande rapidité du choix, d’une vision accrue de la marque écrite (vs la radio ou la TV). Passé les filtrages juridiques, il prendra référence dans son expérience de marques connexes, ou de structure semblable, notamment à l’export. Ne faisons pas comme les responsables Russes de cette marque de Vodka, ne restons pas cramponnés en interne sur des idées établies : donnons des ailes à notre lancement en pensant au regard sans complaisance de notre futur client.
Nicolas Wallyn