Depuis quelques semaines, la tâche des Dirigeants d’entreprises est de prévoir « l’après », une tâche hasardeuse, vu que les paramètres de nos environnements futurs évoluent sans cesse. Aujourd’hui, il est possible de dessiner quelques tendances pour imaginer une stratégie et un positionnement.
Positionnement : l’accélération de tendances déjà amorcées depuis quelques années.
Les crises que nous avons connues sur les siècles derniers n’ont pas fait apparaître de nouveaux comportements. En général, elles ont été des boosters de tendances ou de signaux faibles déjà amorcés, lesquels sont devenus des solutions de premier plan pour dépasser la crise. Les dernières guerres ont donné un coup de fouet à l’aviation, à la médecine ou à des productions plus efficaces parce qu’il y avait urgence. Dans la crise sanitaire présente, il en est de même. Dans les nouveaux comportements du quotidien, rien n’a été inventé, mais des tendances ont été accélérées, du télétravail aux choix alimentaires.
Qu’il s’agisse de food ou d’éléctro-ménager, ou encore de services, l’évolution d’un comportement « autocentré – plaisir » vers une attitude « collectif – responsable » est déjà présente depuis au moins dix ans. Celle-ci, lente jusqu’alors, est en train de connaître une accélération brutale avec la crise sanitaire.
L’illustration ci-dessous schématise cette évolution. La recherche de plaisir individuel, de performance produit ou de rendement, laisse place à un sentiment plus collectif, qui tient compte de l’environnement, des humains, des ressources et de la santé individuelle ou collective.
Tendance : prendre soin de soi…
Depuis quelques semaines, des indicateurs témoignent d’une forte accélération. Les producteurs et distributeurs bio sont dévalisés. Au-delà du bio, le local, déjà perçu favorablement, connaît une hausse due aux contraintes logistiques. Les chiffres sont sans appel dans l’étude PwC qui vient de paraître et qui confirme que si le prix reste le premier critère d’achat des Français (43%), il sera nuancé dans le choix par une production plus locale (32%) et plus saine et bio (20%).
L’association « santé – bio » est certes, naturelle, mais va au-delà de la logique stricte : manger bio permettra-t-il de lutter contre le virus ? La réponse est négative mais la tendance est là : prendre soin de soi devient le maître mot. Cette excellente vidéo de méditation qui vient de paraître en est l’illustration.
Une reprise… collective, locale et connectée ?
De même, les comportements collectifs, induits par un impératif sanitaire global (même s’il montre des disparités) s’amplifient, même s’ils sont vécus en virtuel (manifs connectées, apéros skype, hourra de 20h…). Le local, devenu une contrainte (avec le tourisme par exemple, voir cette excellente interview de Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde), devient aussi un souhait (se protéger, se recentrer), alimenté par une tendance « slow » (« est-ce que j’ai vraiment besoin de tout cela ? ») et une déconsommation d’articles importés… d’Asie ? C’est le constat des Américains (60% de leur panier d’achat est constitué d’articles fabriqués en Chine), dont nous sommes différents, mais auxquels nous empruntons régulièrement les tendances de consommation. Faire moins et mieux, est un mouvement que l’on pourra retrouver dans différents segments du marché.
Comment orienter notre offre et notre communication ?
Dès lors, prenant la mesure de ces tendances déjà visibles (ce n’est pas de la prédiction, mais du constat), on peut avoir quelques certitudes : la RSE, serpent de mer pour une majorité, est en passe de devenir LE critère de choix, d’achats et d’entreprise de l’après-crise, et pas seulement dans les milieux cultivés ou parisiens.
En effet, en sortie de crise, le schéma de reprise de confiance et de renouveau chez les individus est peu ou prou le même : celui de la courbe du deuil, ou du changement, proposé par le Docteur Élisabeth Kubler Ross. Or, dans la « sortie de crise », avant d’atteindre l’état de sérenité et de croissance, il y’a l’étape de « quête de sens ». Or, c’est exactement ce que certains d’entre nous vivent actuellement. « Est-ce si utile ? », « Pourquoi consommons-nous autant ? » , « est-ce que cela a du sens de faire venir certains articles du bout du monde ? »
La quête de sens avant le retour à la croissance
C’est humain, légitime, et surtout général chez tous nos pairs. C’est ainsi que pour atteindre à nouveau la croissance, nous pourrions répondre à la quête de sens de nos publics. Répondre à leurs questionnements, ce serait les aider à trouver une confiance et une sérénité. A ce titre, notre offre, si elle a du sens, pourra s’inscrire dans un moment propice. D’ores et déjà, des marques « qui ont du sens » connaissent une croissance visible depuis quelques années, comme C’est qui le Patron ?, l’œuf qui ne tue pas la poule, Veja, Michel & Augustin ou Ilek, le fournisseur en énergies. Demain, les marques qui ne seront pas en mesure d’afficher une mission et une vision de leur action auprès des différents publics pourraient voir leur succès s’effriter, alors que de nouveaux entrants au projet clair, humain et engagé, prendront leur essor.
Évolution ou révolution ?
Le chantier des marques, initié avant la crise, invite les dirigeants à redoubler d’attention. Proximité, bienveillance, apport collectif, respect seront des valeurs à ne pas perdre de vue, même si elles ne doivent pas être plaquées artificiellement sur un discours préexistant. Gare au « bullshit », les réseaux sociaux sont là avec leurs sanctions immédiate… A chacun son renouveau, à chacun son histoire, la transformation risque d’être passionnante ! Pour celles et ceux qui souhaitent échanger à ce sujet, n’hésitez pas à m’écrire, je relève le challenge.
Nicolas Wallyn
Avril 2020