Food, mode, électronique, services, nous rêvons d’avoir la marque que les clients vont s’arracher au meilleur prix. Contrairement à des idées reçues, le web marchand et les réseaux sociaux n’ont pas rendu cela si facile… s’il y’a quelques années, avec une marque soignée, promue et mise en scène, l’on pouvait générer du désir, augmenter la valeur perçue et vendre plus cher… aujourd’hui, l’exercice est devenu plus complexe parce que le marketing a muté avec la communication en réseaux, et que ces moyens de communication 2.0 ont brouillé les stratégies par leur modernité alléchante. Miser exclusivement sur ces medias interactifs pour construire notre marque est un leurre car ils demeurent des outils : il reste essentiel de travailler la raison d’être de notre marque pour émerger sur notre marché.
Des marques à succès qui ont communiqué autrement
Dans tous les secteurs économiques, des marques ont su construire une désirabilité forte, sans débuter avec de grands médias ni de publicité traditionnelle. On pourra prendre pour exemple Veja (sneakers « équitables »), C’est qui le Patron ? (Produits laitiers) ou plus loin dans le temps GoPro (video). Il existe un point de convergence passionnant entre ces trois marques fort différentes, que l’on analysera un peu plus bas dans cet article. On pourra aussi les retrouver dans le webinar que j’anime le 16 janvier prochain sur Le Campus.
Quand les clients se méfient de la marque…
En effet, l’ère de la communication descendante semble révolue. La marque auto-valorisée (que ce soit par son propre discours technique ou par une campagne de publicité habile) ne convainc plus. Les affirmations de la marque, tout comme celles des hommes politiques, n’est plus crue. Qu’est-ce qu’on nous cache ? Seules les expériences des autres utilisateurs, postées, voir notées sur les réseaux sociaux sont réellement prises au sérieux. La preuve par l’expérience d’un tiers désintéressé et la recommandation sont devenues des valeurs plus sûres que la publicité ou le discours. Et cela tient au fait que les flux de communication se sont modifiés : la communication top to bottom s’est muée en une communication de réseaux, en apparence peu contrôlable, et librement partagée.
La construction de la marque davantage liée à la raison d’être qu’au leurre des réseaux sociaux
La communication sur les réseaux sociaux est intéressante, parce qu’elle permet à de petites marques de se lancer, et à de grandes d’adopter une tonalité alternative à leur communication « grands media ». Toutefois, la seule utilisation de ces réseaux ne peut suffire à créer du partage ou de la connivence pour devenir une marque désirable.
La construction de la marque ne passe pas par les outils media utilisés, mais bien par le fond du discours, la raison d’être de la marque. En effet, viralité, gamification ou autres jeu-concours ne peuvent construire une perception.
Les exemples Veja, C’est qui le Patron ? ou GoPro : du sens avant tout
Si Veja a pu multiplier son chiffres d’affaires par 3 en 2 ans, passant de 18 millions d’euros en 2017 à 50 millions en 2019, c’est bien sûr parce que son positionnement correspond (enfin) aux orientations des marchés, mais parce que Veja raconte une vraie histoire, avec un sens, des preuves, une vision, auxquels le public peut adhérer. L’acheteur de la marque peut se sentir proche de celle-ci parce qu’il partage une conviction avec elle, et qu’il sent qu’il y a un sens dans l’aventure Veja. C’est bien sûr la même chose avec C’est qui le Patron ? qui, selon une étude Nielsen, est désormais présent dans 17% des foyers français et touche 11 millions de clients. La marque adopte une posture claire, avec un sens. Elle n’est pas là pour faire du cash (même si elle en fait comme Veja), mais elle s’est donnée une mission très claire que le public peut faire sienne. « Je comprends et je ressens profondément que je partage mes convictions avec cette marque, et je souhaite m’associer à sa démarche » serait la déclaration idéale de leurs clients.
Tonalité un peu différente avec GoPro qui n’a peut-être pas de mission, mais qui a aussi débuté sans publicité et avant tout avec un rêve de surfeur : pouvoir filmer ses exploits pour la partager. Ici, il n’y a pas de mission à caractère sociétal, mais bien un rêve authentique, une envie, une passion. Et cela, le public le perçoit très vite. Et la mission-bénéfice que propose la marque avec « be a Hero » est d’une grande clarté : la marque ne propose pas des fonctionnalités video hors-normes (elle est bien moins appétante à ce niveau que des marques japonaises de qualité qui se battent à coup de pixels et de stabilisateurs), mais la possibilité de se montrer dans ses réussites sportives. C’est déjà une promesse sincère !
Créer des attaches émotionnelles avec nos publics
Le centre de la communication est là : il ne s’agit pas de bluffer en se donnant une fausse mission, mais de replonger dans l’ADN de notre marque en nous interrogeant sur ce qui nous a mené à proposer de tels produits, avec quelle envie, et quelle vision. Si notre envie va au-delà de « faire des bénéfices », il se peut que nous intéressions nos prospects ! Faisons ainsi notre propre analyse de marque (je ne parle pas de psychanalyse, mais on pourrait). Ici, il ne s’agit pas de communication mais bien de structure de marque : Veja n’est pas un phénomène de communication « green washing » mais bien un projet d’entreprise, et le créateur de GoPro a commencé à distribuer ses petites caméras à des copains de plage pour voir si son idée avait du sens pour sa communauté de surfeurs.
Parler de sa raison d’être n’est pas si fréquent. Comme le souligne l’excellent Simon Sinek dans son approche « Golden Circle », beaucoup de marques se cantonnent à communiquer sur leur produit (nombre de pixels, % de matière grasse, prix, « intel inside », etc.) de manière ponctuelle et répétée, laissant leurs concurrents surenchérir avec une nouvelle fonction à la première occasion. Ne dites pas comment vous êtes venu, et avec quoi, mais pourquoi vous êtes venu !
Nicolas Wallyn
Créateur de marques.
NOMMART